Allez je vous mets un peu de lecture avant de filer loin très loin
La nuit d'été est tombée, et le chant des grillons s'élève dans l'air, hésitant, léger, presque fragile. N'était le rai de lumière qui brille dans un coin de la maison, ouverte aux vents comme le sont celles des elfes, on pourrait croire que tout est endormi. Une jeune fille, les traits juvéniles, les cheveux vert mousse attachés en arrière, veille près du bocal de verre ou quelques lucioles brillent doucement. Penchée sur son ouvrage, elle perce des coquilles de noix et les enfile sur un lien de cuir pour s'en faire un collier. A chaque perle, elle ouvre la coque d'un geste d'habituée, en sort un minuscule rouleau de parchemin, et relit plusieurs fois les quelques mots tracés sur la bandelette. Puis elle roule le message, le range dans sa coquille avec un soupir, et la perle va rejoindre les autres sur le sautoir.
...
Il ne reste qu'une perle et la jeune elfe hésite. Plongée dans la contemplation du rouleau fripé et jauni, elle relit sans cesse le message…
"Ma mésange, je suis appelé à la bataille. Quand je reviendrai, j'espère trouver une grande et courageuse jeune fille. Sois forte"
De longues heures s'écoulent avant que l'elfe ne trouve le courage de refermer la noix et de terminer le collier. Elle se lève alors, passe le collier à son cou, le visage fermé. Elle attache ses cheveux en nattes serrées, et alors que l'aube colore le ciel d'une délicate touche de rose, se met en marche. Après quelque pas, elle se retourne et regarde une dernière fois la maison de son enfance.
"Père, tu n'es pas revenu, mais je ne t'ai pas oublié. J'irai en Teldrassil, au quartier des Druides, et je ferai honneur à ta mémoire en marchant sur tes traces"
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Quelques années plus tard
L'odeur des aiguilles de pin brûlées surprend l'ourse dans son sommeil. Se réveillant en sursaut, elle bondit sur ses pattes et se met à grogner en voyant que l'incendie l'empêche déjà d'atteindre la sortie de la caverne où elle s'était abritée pour la nuit. Quelques secondes pour évaluer la situation, quand soudain une trombe d'eau glacée s'abat sur le brasier et le réduit en cendres fumantes. La druidesse est à demi étouffée par les fumées et la vapeur, mais ses yeux perçants lui révélant la silhouette d'une jeune humaine, elle reprend sa forme d'elfe. Catastrophée, la femme court de ci de là, maudissant sa maladresse, cherchant à apercevoir l'ourse, jusqu'à ce que les cendres soient suffisamment refroidies pour qu'elle ose les traverser et se jeter à genoux.
" Pardonnez moi, je suis confuse, je suis désolée, je ne voulais pas… je ne pensais pas que le feu prendrait… je ne sais pas comment m'excuser, je… vous n'avez rien ?"
Blonde, les mains blanches d'une novice, une robe de soie brodée avec soin de volutes complexes… sans doute une de ces naives qui croient pouvoir jouer avec la magie…" Je vous jure solennellement, je ne lancerai plus JAMAIS une boule de feu, voilà, je le jure, sur tout ce que j'ai de plus cher, mes petites filles, je ne toucherai plus JAMAIS à ces saletés ! Vous n'avez rien ? Oh, mais vous êtes brûlée, écoutez, venez avec moi, je vous ferai soigner… vraiment, je suis confuse, je ne voulais pas… je vous en prie, acceptez, vous me donnerez une chance de me faire pardonner"
"Quel est votre nom, humaine ?"
"Eléria, Eléria Cœur-Franc, mage de Hurlevent, pour vous servir, enfin… j'essaie"
*sourire amusé de la druidesse*"Mon nom est Meisinga. Je vais vous suivre… j'aurais effectivement besoin d'un peu de baume"
*autant au cœur que sur mes brulures, qui ne sont pas graves… mais cette humaine m'amuse…*Consolée, la mage ouvre immédiatement un portail. Floutée, comme déformée, l'image des tours de Hurlevent se forme dans le tourbillon magique…
*je n'avais pas souri depuis longtemps*************************************************************************************************************************************************************************************************************************************
Depuis combien de temps suis-je maintenant dans la ville des hommes ? Je n'ai pas compté, mais les filles ont bien grandi depuis la première fois où je les ai vues. Je m'en souviens comme si c'était hier : leur sourire m'a fait fondre le cœur. Je leur devrai toujours d'avoir su ensoleiller mon âme endolorie et me redonner la joie de vivre. Les années que j'ai passées ici, dans cette ville bruissante de monde, seront les plus belles que j'ai vécues depuis longtemps.
Mais mon amie mage est revenue de ses expéditions lointaines, et j'ai vu dans son regard la lassitude. Peut être a-t-elle livré trop de batailles loin des siens, peut être a-t-elle perdu quelque chose de son enthousiasme candide dans ces pays étranges qu'elle nous a décrits. J'ai aimé par-dessus tout m'occuper de ses trois filles, mais je sens maintenant qu'il est temps que leur mère reprenne sa place. Lacunie est déjà presque une grande, Luane a commencé son apprentissage à l'abbaye, et Sheyane refuse de quitter ses amis de Brume-Azur et de revenir avec nous. Elles n'ont plus besoin de moi. Et moi, maintenant, je dois reprendre le chemin que mon père avait suivi, je dois devenir une druidesse accomplie, et faire honneur à sa mémoire.
Un gros ballot chargé de fourrure à ses pieds, Meisinga contemple les ruines de la maison de son enfance. Avant de partir à l'aventure, elle voulait repasser par son point de départ, et saluer une dernière fois les souvenirs attachés à ce lieu. La maison a bien souffert, la végétation l'a envahie, mais peut être est ce aussi bien ?
Meisinga attrappe le ballot et le charge sur son dos, mais au moment de partir, se retourne brusquement… a-t-elle rêvé ? Les yeux rivés sur les restes de la fenêtre, elle s'approche doucement… c'est bien cela… une coquille de noix, coincée dans une fente du mur…
Fébrile, Meisinga ouvre la coque du même geste familier. Un seul mot, sur le parchemin : "Norfendre"
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Terre inhospitalière que ce continent du nord. Meisinga n'a pas tenu longtemps dans les villes de l'Alliance, avec les militaires braillant en permanence, les commerçants véreux et les traîtres infiltrés à chaque coin de rue. Ce petit coin lui convient parfaitement : un abri, une rivière pour pêcher tranquillement - les eaux froides sont étonnamment poissonneuses - et du calme. Cependant, depuis hier soir, elle se sent mal à l'aise. Comme si elle était observée. Elle n'a rien pu voir de suspect, mais n'arrive pas à se débarrasser de ce picotement derrière la nuque qui la titille en permanence.
C'est alors qu'elle était affairée à vider le fruit de sa pêche qu'elle entend quelque chose rouler à son côté. Bondissant sur ses pieds, elle aperçoit… une noix, venant de derrière elle. Elle ramasse la noix, l'ouvre… l'éternel parchemin roulé porte ces mots : "Ne te fie pas aux apparences, ma Mésange"
Balayant rapidement les environs du regard, elle aperçoit dans l'ombre une silhouette, un elfe, en armure de métal massive luisant d'un éclat froid, drapé dans un manteau à capuchon qui lui cache le visage. L'elfe avance d'un pas lourd vers elle, et rien de cette démarche pesante n'est familier à la druidesse. Cependant, lorsque l'inconnu s'est assez approché, qu'il remonte son capuchon… la peau marbrée et les yeux glacés ne peuvent totalement faire disparaitre les traits tant aimés de ce visage.
"L'évidence est, ma Mésange, que je suis devenu ce contre quoi tu te bats… cependant, ne te fie pas aux apparences. Même si j'ai sur les épaules le fardeau que notre ennemi m'a contraint à porter, je n'ai pas oublié qui j'étais, ni qui tu étais. Je vois que tu as suivi un long apprentissage… Je suis fier de toi. Tu es devenue une grande druidesse, à ce que je vois"
"Père…"
Meisinga se jette dans les bras de son père, ou plutôt de ce que son père est devenu. Malgré le frisson que lui cause le métal dur et froid, l'émotion la submerge et quelques larmes lui échappent.
"Ne pleure pas mon enfant. Je ne peux pas rester longtemps ; mes nouveaux alliés ont sonné la bataille et je dois les rejoindre, pour tenter d'effacer un peu du mal que j'ai causé. Quand tu le pourras, rejoins moi. Je serai au bastion Fordragon"
"Fais attention à toi, Père..."
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Il n'aura pas fallu longtemps à Meisinga pour rassembler ses affaires, se faire admettre auprès des vols draconiques engagés dans la bataille, et filer rejoindre son père au Bastion. Peu de temps, mais hélas trop de temps : le terrain n'est déjà plus qu'un champ de ruines fumantes. Maudissant les vents glacés qui l'ont empêchée de voler directement au but, Meisinga erre de corps en corps, cherchant la trace de celui qu'elle n'a pas même eu le temps de réapprendre à connaître. A chaque pas, son espoir s'amenuise un peu plus. Les poings serrés, des larmes brûlantes dans les yeux, elle jure solennellement de ne plus jamais laisser partir ceux qu'elle aime seuls à la bataille…
Quand soudain, son pied heurte un caillou.
Sous le caillou, une coque de noix.